La voix est le plus ancien mode de transmission de la connaissance.
Qui mieux qu’un comédien tel qu’Hervé Pierre pour nous en faire la démonstration ? Outre le plaisir de rencontrer et échanger avec une belle personne (lettrée qui plus est !), nous avions en effet à cœur de vivre et partager un moment exceptionnel grâce à la voix.
La hauteur, la tessiture, le timbre ou encore la prosodie de la voix sont autant de dimensions qui font de celle-ci un vecteur d’émotion incomparable pour écouter, se passionner et apprendre d’un récit.
Dès lors, il était naturel qu’Hervé Pierre nous fasse l’honneur de nous présenter toutes ces mystères, à partir de textes choisis. Pour notre plaisir. Et pour notre apprentissage.
Pensionnaire de la Comédie-Française depuis le 1er février 2007, il devient le 522e sociétaire de la Troupe le 1er janvier 2011. Il en est l’un des membres les plus prestigieux par ses interprétations et mises en scène. Le 14 juin 2009, il est consacré meilleur comédien français pour la saison 2008-2009 par l’ensemble de la critique du Syndicat professionnel. C’est en 2011 que Hervé Pierre est nommé chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres et en 2014 chevalier de la Légion d’honneur.
« Quand j’ai entendu pour la première fois dans l’espace résonnant de la chapelle, la voix de mon père, j’ai fondu en larmes. »
Vous allez entendre la 51ème de Déclic, ce moment où tout bascule, un épisode spécial réalisé en public. Le thème, c’est la VOIX, avec un invité exceptionnel … que je vous laisse deviner. Cet invité surprise, nous a d’abord raconté une histoire très personnelle qui illustre parfaitement le thème. Voici un extrait, prenez vos casques, fermez les yeux, et c’est parti !
Bonjour papi, qu’est-ce que tu fais ici ?
Comme tu vois, je fais des croquis de saint Nicolas.
La voix que vous entendez, c’est celle de mon père.
Toute sa personne était là, à côté de moi, comme s’il était assis sur le banc où je sanglotais. La voix est l’empreinte de l’âme. Elle porte en elle, dans sa tessiture, dans ses rythmes, un rapport au réel qui demeure par-delà la mort. Sans doute parce que la voix est à l’origine de notre construction sensible, qu’elle est celle du père, de la mère que nous percevons en premier intra utérus, puis avant que nos yeux s’ouvrent. Avant que nous percevions le monde par l’image. Le son des voix nous fonde, nous donne les premiers attachements, les premières émotions. La berceuse nous ouvre par son balancement, le monde dans lequel nous commençons notre vie. C’est pourquoi la voix de mon père a provoqué chez moi un tel bouleversement. Le jour de son départ sur son lit d’hôpital, lorsque nous étions tous réunis autour de lui, ma mère lui demanda si l’occasion se présentait, de revenir nous dire ce qu’il y avait après la mort. Et mon père, avec une légèreté poétique extraordinaire, lui répondit que s’il devait revenir, ce serait sous la forme d’un bouvreuil. Quelques jours après son décès, un bouvreuil s’installait dans le prunier au voisinage de la cuisine et son chant bouleversa ma mère. Sur le plateau de tournage du film Le Miroir, Andreï Tarkovski s’était fait photographier allonger sur un lit d’hôpital et portant sur les doigts de la main droite un oiseau minuscule. Et c’est ce qui lui arriva à la fin de sa vie dans la chambre de sa maladie et de sa mort à Paris.
[On ne vous laisse découvrir la suite…]
Applaudissement
Pierre Denis : Hervé, il y a un mois, pendant 30 minutes, à la fin de la dernière de « Galilée » dont tu jouais le rôle-titre dans la salle Richelieu du Théâtre Français, tous tes compagnons de route, acteurs et techniciens, t’ont rendu hommage pour ta carrière de quinze ans aux Français et les quelques -je peux me tromper- 109 pièces que tu as jouées et les dizaines de films et séries télé où tu as inscrit ton nom. Ce parcours exceptionnel sur les planches au cinéma s’est doublé d’expérience particulière, comme celle de lire « La Promesse de l’aube » de Romain Gary aux éditions Gallimard, et d’être le rôle principal dans la série audio de Radio France « 57, rue de Varenne ». […] Comment tu fais pour te préparer à ça ? Ça vient tout naturellement ?
Hervé Pierre : Là en l’occurrence avec Cédric Aussir, qui était réalisateur de cette série audio. Le travail en fait était très surprenant parce que pour la première fois à la radio, je n’étais pas dans un studio et dans le confort du studio, dans le silence du studio. Mais on tournait beaucoup, on fait en extérieur, c’était comme du cinéma. Donc là, j’étais vraiment dans une salle de sport et donc j’avais mon texte que j’avais scotché un peu partout sur les appareils. Et c’était dans l’instant que les choses s’inventaient donc ça a une force de vérité de présence qui est formidable par rapport à ce qu’on a l’habitude de faire dans une narration plus conventionnelle et là je viens d’enregistrer après La gloire de mon père, je viens d’enregistrer Le château de ma mère, la semaine dernière….
Bonne écoute 🙂
