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02/14/2024

Nos parutions

Les grands glissements de nos imaginaires sociaux

Pour commencer cette année, nous avons lancer un série de podcasts sur « les Grandes Tendances », disponible dans la Podcast Learning Academy de tootak.

Avant, je souhaite lire la tendance n°1…

 

Voici le 2nd article tiré de l’entretien entre Pierre Denis et Matthieu Winisdoerffer, Directeur et Conseil en direction générale chez Kea & Partners, cabinet de conseil français et européen en stratégie et transformation :

 

Les grands glissements de nos imaginaires sociaux

 

Matthieu :
« Les imaginaires sociaux, c’est l’ensemble des évidences, des normes, des valeurs qui définissent notre rapport au monde. Alors ça peut être notre rapport au temps, à la nature, à autrui. Il peut s’agir de questions de culture, de consommation, d’identité, même parfois de spiritualité. »

Pierre :
« Matthieu, tu as pu noter des glissements dans ces imaginaires sociaux. Est ce que tu peux nous parler du premier de ces glissements ? »

 

Pour lire la suite…

Matthieu :
« Oui, tout à fait. La première nature de glissements que nous constatons, elle est surtout liée à l’archipélisation de la société, l’archipélisation de la société qui a été théorisée par Jérôme Fourquet, sondeur, essayiste et analyste politique français. C’est l’éclatement de la société en toute une multitude d’îlots avec des courants de pensée qui s’ignorent les uns les autres. En fait, on constate une polarisation croissante de nos sociétés, sans cesse dans une logique de pour et de contre, et avec dans le fond, derrière ça, la peur du déclassement. »

 

Pierre :
« Et quel rôle joue, selon toi, les algorithmes des réseaux sociaux ? Est-ce-qu’ils en jouent un ? »

 


Matthieu :

«
En fait, cette archipélisation de la société, elle est presque favorisée par cette logique d’algorithmique des réseaux sociaux. Les réseaux sociaux, c’est la polarisation artificielle. Ça nous pousse à extrémiser les opinions des-uns et des autres et tout est matière à débat. Souvenez-vous la vaccination, les choix alimentaires, les gagnants des Oscars. Dans les années 2000-2021, on a vu toute une longue série de boycotts qui sont venus percuter les marques, les détaillants, par exemple l’alimentaire. Pensez à Starbucks, à Kellogg’s, à Ben & Jerry’s qui ont été au cœur de grandes tourmentes et de boycotts. »

 

Pierre :
«
184 %. Tu me disais que ce chiffre est en fait la hausse des usages de VPN, un outil qui permet de naviguer de façon anonyme sur Internet. Quel lien fais-tu entre cet usage du VPN et finalement l’archipélisation de nos sociétés ? »

 

Matthieu :
« Le fait qu’on les utilise de plus en plus, ça traduit une envie d’anonymat, une défiance généralisée. On arrive à l’heure de la fin des sachants, à l’heure d’une post-vérité, on renforce l’ère des fake news. »

 

Pierre :
« Et par extension, on arrive sur un sentiment d’insécurité sociale et individuelle, plutôt en Occident ? »

 

Matthieu :
« Oui, tout à fait. C’est en fait un sentiment d’insécurité global et l’insécurité en 30 ans est devenue omniprésente dans le débat public, dans tous les plans depuis des décennies, attisée par le terrorisme, le chômage, l’immigration, les crises que nous traversons. On parle d’insécurité physique, sociale, de l’emploi, d’insécurité culturelle, sanitaire. La demande de protection, qu’elle soit sociale ou physique, prend maintenant des formes d’exigences de la part de chacun d’entre nous. Les entreprises privées de tous secteurs endossent de plus en plus un rôle, voire même une posture de protection des citoyens. Regardez Carrefour, par exemple, vient de lancer une offre très controversée d’assurance qui prendrait en charge vos courses en cas de perte d’emploi. »

 

Pierre :
« Tu vas sur un terrain qui est finalement le terrain individuel. Et une des questions qui se pose, c’est la place de l’individu dans la société. »

 

Matthieu :
« Oui, dans ce contexte de fragmentation de la société, la place de l’individu est requestionnée. On assiste par exemple à une épidémie de solitude. Un exemple en 2018, le gouvernement britannique a nommé un ministre chargé de la solitude, chargé de lutter contre l’isolement social, puisque l’isolement touchait près de 9 millions de Britanniques. »

 

Pierre :
« Et en connexion avec ça, puisqu’on parle de l’individu, le recentrage sur soi-même, tu parles de tyrannie du bien-être. C’est peut-être un peu fort, non ? »

 

Matthieu :
« Oui, c’est un peu fort. Mais finalement, le bien-être, c’est un des principaux avatars du statut social. On a même des chercheurs qui pensent que la recherche du bien-être a remplacé la recherche du bonheur. Et dans une société avec de plus en plus de loisirs qui s’affirment, où le travail n’est pas l’accomplissement suprême, le bien-être est une attente fondamentale. Pensez par exemple à la semaine de quatre jours qui gagne du terrain. »

 

Pierre :
« Ce que tu viens de nous dire à travers ces différents exemples, dresse quand même un tableau assez noir. Et comment l’individu va-t-il pouvoir se positionner dans ce tableau ? »

 

Matthieu :
« Pour répondre à ce besoin de lutter à la fois contre la solitude, de répondre à cette quête de bien-être, l’individu entre presque dans une nouvelle ère. L’ère du post-matérialisme. On assiste à un développement de valeurs, d’aspirations, de revendications, à vouloir contribuer à quelque chose de plus grand que soi. Un exemple, consommer de seconde main, c’est devenu une marque de statut. L’usage de vêtements de seconde main est plus normalisé, même chez les classes supérieures par rapport aux classes populaires. Des études montrent que chez les Américains, près de deux tiers des actifs, déclarent que la pandémie du Covid les a amenés à réfléchir sur le but de la vie. »

 

Pierre :
« En fait, en corollaire à ça « la panne d’inspiration individuelle » on a l’impression qu’il y a aussi une tendance qui va vers une requête de plus d’égalité et d’équité que tu relies à une société plus inclusive. Qu’est-ce que tu veux dire par là ? »

 

Matthieu :
« Ce que je veux dire par là, c’est que derrière un désir d’égalité et d’équité, l’individu a envie de se libérer des déterminismes sociaux, il a envie de créer sa propre identité. Donc ça veut dire autoriser davantage de différences. Les marques sont nombreuses à promouvoir une vision de plus en plus inclusive. Penser à la marque de lingerie de Rihanna, Savage X Fenty, par exemple. »

 

Pierre :
« Alors, est ce que tu vois un dernier glissement dans les imaginaires sociaux ? »

 

Matthieu :
« Je souhaiterais évoquer un dernier point qui est le rapport au temps. Nous avons sans cesse, vous comme moi, un sentiment de manque de temps. Un exemple la livraison express. C’est ancré dans les usages de tous les urbains. On veut se faire livrer des plats, des courses, des vêtements, des services, le tout en moins d’une heure. Ce qui est étonnant, c’est que paradoxalement, derrière cette course au temps, nous sommes aussi intolérants à l’ennui. »

 

Pierre :
« Mais en fait, pourquoi tu opposes le temps et l’ennui ? C’est un peu paradoxal… »

 

Matthieu :
« D’ailleurs, ce manque de temps, on déteste le perdre et donc la peur de l’ennui est omniprésente. Une grande étude a mis en lumière que l’augmentation de l’ennui chez les adolescents américains entraîne une recrudescence de troubles psychologiques. Et derrière ça, pour lutter contre cet ennui, on voit le développement de nouvelles pratiques de divertissement. On parle des divertissements interstitiels. Vous savez, vous pouvez sortir votre téléphone et passer trois quatre minutes à défiler sur les réseaux sociaux. Les jeux vidéo ont développé davantage de revenus sur cette pratique interstitielle et ce type d’applications a explosé. On parle du temps à la demande. Le nombre d’utilisateurs de TikTok, par exemple, est passé aux Etats-Unis de 35 millions en 2019 à près de 100 millions en 2022. Ce qui n’est pas sans entraîner des inquiétudes croissantes sur l’impact des écrans et des réseaux sociaux sur les enfants, bien sûr. »

 

Pierre :
« Merci Matthieu. »

 

 

Donner de la vision à vos équipes, les acculturer à ces grandes tendances, les préparer à des virages sociétaux majeurs ?

Vous pouvez contacter Matthieu Winisdoerffer ou apprendre à connaître Kéa-Partners.

Pour faire écouter ces grandes tendances, pour nourrir vos trajets en transports en commun par des thématiques fortes, à écouter en podcast, contactez-nous : pierre@tootak.fr

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